« Le télérobuste et le téléfragile », par Olivier Sibony

par Olivier Sibony, Mai 2020.

« Finalement, on dirait que le télétravail… ça ne se passe pas si mal que ça ! Après quelques semaines d’expérimentation forcée à grande échelle, nombreuses sont les entreprises qui ont décidé d’en faire la norme pour plusieurs mois (comme Google ou Facebook), voire pour toujours (comme PSA ou Twitter).
Et pourtant… sans pouvoir encore le mesurer rigoureusement, le sentiment qui se dégage des conversations sur Zoom est plus partagé. En gros, tout ce qui est formel, organisé, prévu, transactionnel, et bien sûr tout le travail individuel, est « télérobuste » : ça marche généralement bien – et même, ça gagne en productivité.
Le reste ? C’est l’informel, l’innovant, l’inattendu, le collectif, le développement de nouvelles relations… et tout ça semble nettement plus « téléfragile ».

La distinction recoupe celle introduite par March entre « exploitation » (l’optimisation du court terme) et « exploration » (l’invention de l’avenir). En télétravail généralisé, il semble qu’on vive sur son acquis : l’exploitation gagne en productivité, mais l’exploration devient plus difficile. Ce qui reviendrait à amplifier une dynamique naturelle des organisations, où la quête d’efficacité à court terme peut être auto-destructrice à long terme. »